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Carnet de voyage : SRI LANKA Carnet de voyage sur le SriLanka. Nos impressions, notre expérience a votre service, pour vous aider à organiser vos vacances et à vous donner envie d'y aller.

Un peu d'Histoire

I. Premiers habitants :

 

Les habitants originaires de l'île sont les tamils, plus communément connus sous le nom de Veddas. Aborigènes proches de ceux de l'Inde, leur style de vie de chasseurs-cueilleurs leur devient de plus en plus difficile à maintenir et le gouvernement veut les sédentariser. Formant moins de un pour cent de la population totale, ils vivent principalement au sud-est de l'île, dans le parc de Maduru Oya.

 

II. L'indianisation :

 

Les chroniques des Singhalais - de langue singhalaise indo-européenne - rapportent que ceux-ci sont originaires du nord de l'Inde, près du Bengale, peut-être de l'Orissa, arrivèrent dans l'île vers -600. Le bouddhisme s'installa trois siècles plus tard, traditionnellement du fait de l'action missionnaire initié par l'empereur Ashoka, en même temps qu'un système d'irrigation sophistiqué notamment dans le centre et le nord.

 

Contrairement à l'Inde où la tradition historique est peu répandue, le Sri Lanka dispose de plusieurs chroniques historiques. Ces chroniques, mêlant certains épisodes légendaires aux faits historiques, sont néanmoins considérés par les chercheurs comme une source relativement fiable, bien que moins rigoureuse que les chroniques chinoises, car de nombreux éléments ont pu être confirmés par recoupement avec des sources étrangères et les fouilles archéologiques. Elles permettent même parfois d'éclairer l'Histoire de l'Inde. Trois chroniques couvrent l'histoire de l'île:

  • le Dīpavamśa ou Dipavamsa ("généalogie de l'île"),
  • le Mahavamśa ou Mahavamsa ("grande généalogie"), compilée par Mahanama,
  • Le Cūlavamśa ou Culavamsa ("dernière généalogie"), reprenant l'histoire de l'île au IVe siècle, date où s'arrêtaient les chroniques précédentes, jusqu'à la conquête britannique.

L'île connut des royaumes unifiés avec comme capitales Anuradhapura de -200 vers 1070, puis Polonnaruva jusqu'en 1200. Les invasions tamoules depuis le sud de l'Inde avec des conflits internes poussèrent les royaumes singhalais dans le sud. L'île fut, autour de l'an mille, complètement intégrée au royaume tamoul des Chola. Elle conserva d'ailleurs un royaume tamoul avec Jaffna comme capitale, de 1200 jusqu'à la prise de la ville par les Hollandais en 1619.

 

L'ancienneté de l'implantation des Tamouls dans l'île n'est pas bien connue. Étant donné la proximité avec le continent, le peu de profondeur du détroit de Park et l'existence du Pont d'Adam facilitant le passage, il est probable qu'il y eut des échanges nombreux. L'histoire cinghalaise rapporte que les premiers hommes prirent cent femmes de l'Inde du Sud. Il y eut même des Cinghalais comme monarques des royaumes tamouls et vice-versa.

 

III. Influences extérieures :

 

La situation de l'île au milieu de l'océan Indien en a fait un centre de commerce très important au cours de l'Histoire. Les marins de la Rome antique la nomment « Taprobane ».

 

Les commercants arabes, qui prennent le relais et maîtrisent les échanges entre la Méditerranée et le monde indien jusqu'à l'arrivée des Portugais, la connaissent comme « Serendip » - dérivé depuis le nom sanskrit Sinhala-dweepa - qui est la racine du mot en anglais « serendipity », substantif inconnu en français signifiant découverte heureuse faite par hasard. C'est de cette implantation et de sa descendance que provient la population musulmane (7 %).

 

Les navigateurs portugais à la recherche des épices s'emparent en 1505 des régions côtières et introduisent le catholicisme. Les Hollandais les supplantent en 1658.

 

Bien que les Britanniques prennent le contrôle en 1796, les lois hollandaises restent le pivot de la jurisprudence. En 1815, les Britanniques obtiennent une victoire sur le roi de Kandy nommé Vicramaraja Singa, ce qui parachève leur domination et ils créent la colonie royale de Ceylan. Ils établissent une économie basée sur le thé, la tentative d'exploitation du café s'étant révélée infructueuse, et dans une moindre mesure sur le caoutchouc et la noix de coco, et favorisent une nouvelle émigration tamoule dans le centre et le sud de l'île pour travailler dans les plantations.

 

En 1931, les Britanniques accordent une certaine autonomie, puis l'indépendance le 4 février 1948 dans le cadre du Commonwealth.

 

IV. L'indépendance :

 

L’île de Ceylan accéda à l'indépendance en février 1948 dans le cadre du Commonwealth. Malgré l'indépendance proclamée, l'île de Ceylan ne fut pas entièrement coupée de la Grande-Bretagne. Seule l’administration de l’île fut laissée aux Ceylanais, tandis que le gouvernement britannique détenait encore le pouvoir d’adopter des lois pour le Ceylan. Lors de l’accession à l’indépendance, le premier parlement de Colombo comptait 58 Cinghalais, 29 Tamouls et 8 Musulmans. Les Cinghalais dominèrent aussitôt la politique, la justice, l’administration, l’armée et l’économie, ce qui provoqua au sein de la minorité tamoule une profonde animosité et les conforta dans leur crainte de voir s'instaurer dans le pays une «dictature de la majorité». 


Ce pressentiment n’était pas sans fondement, car certains intellectuels cinghalais propageaient depuis longtemps le concept de la «mission» de la «race cinghalaise».

 

Cette prétendue «grande et noble mission» de la «race cinghalaise» fut interprétée comme un fait historique par la population majoritaire, puis utilisée par les dirigeants bouddhistes qui luttèrent pour perpétuer ainsi leur règne sur l'île. La plupart des politiciens cinghalais suivirent le mouvement, car tous devinrent en quelque sorte des «otages» de la hiérarchie bouddhiste qui détient, encore aujourd’hui, le pouvoir de vie et de mort sur toutes les carrières politiques.


Dès la première année de l’indépendance, le gouvernement cinghalais modifia la Loi sur la citoyenneté ceylanaise dans le but de diminuer le nombre de la représentation tamoule. Ainsi, le gouvernement supprima la citoyenneté à un million de «Tamouls des montagnes» — dont les ancêtres avaient été installés dans l'île par les Anglais, comme coolies, depuis 1827 — sous prétexte qu’ils étaient de descendance «indienne». De cette façon, dans un laps de temps très court, les Cinghalais purent réduire d'un tiers la représentation tamoule au Parlement.

 

          IV.1 La dictature de la majorité :

 

En 1956, alors qu’il avait axé sa campagne électorale sur la primauté de la langue, de la culture et de la religion cinghalaises, le Sri Lanka Freedom Party (SLFP), c'est-à-dire le Parti sri lankais de la liberté, prit le pouvoir avec l'appui de nombreux dirigeants bouddhistes. Le gouvernement adopta la politique du «Cinghalais seulement», laquelle était destinée à faciliter l'accès des bouddhistes à la fonction publique et à l'université. De plus, le gouvernement du Ceylan adopta une première loi linguistique, la Official Language Act (Loi sur la langue officielle), déclarant que «le cinghalais est le langue officielle du Ceylan». Pour les Cinghalais, qui avaient acquis leur indépendance en 1948, cette loi sur la langue de 1956 était une façon pour eux de prendre leur distance par rapport aux Britanniques en abandonnant formellement l'anglais, mais les Tamouls y ont vu un moyen détourné pour les Cinghalais majoritaires d'imposer leur volonté à la minorité. Les autorités cinghalaises pratiquèrent la même politique colonialiste que les Britanniques, mais en favorisant cette fois la majorité cinghalaise aux dépens de la minorité tamoule. Les parlementaires cinghalais se considéraient comme les héritiers légitimes d'une communauté qui avaient été exclue du pouvoir durant la période coloniale. L'officialisation d'une seule langue était perçue par les Cinghalais comme une façon économique de faire fonctionner le nouvel État, d'autant plus que le cinghalais était une langue autochtone de l'île parlée par les deux tiers de la population. L'exclusion du tamoul et de l'anglais paraissait donc normale, car elle allait permettre de rehausser le statut de la langue majoritaire.

 

          IV.2 La guerre civile et la récession :

 

 Devant le bannissement du tamoul comme langue officielle et le sentiment d’être injustement traités par le pouvoir en place, les Tamouls eurent une réaction violente: toute la population tamoule se souleva. Devant la résistance des Tamouls, la loi de 1956 a été considérablement modifiée en 1958 par la loi "sur la langue tamoule" (tamil language act n°28)    . Mais la loi ne changea pas la situation qui se détériorait pour les Tamouls, d'autant plus que les dispositions législatives ne furent pas appliquées. En 1970, tout l'appareil de l'État était redevenu presque entièrement cinghalais, avec des milliers de fonctionnaires tamouls obligés de démissionner en raison de leur insuffisance, présumée ou réelle, de la connaissance du cinghalais. C'est à cette époque qu’est née chez les Tamouls la volonté de s'affranchir de l'état centralisateur et d'affirmer leur autonomie.


Comme si le gouvernement cinghalais n’avait absolument rien compris des véritables enjeux, il nationalisa en 1961 les écoles tamoules, ce qui obligeait les Tamouls à apprendre le cinghalais. Le nationalisme cinghalais favorisa l’émergence du militantisme tamoul. Depuis, les conflits ethniques entre Cinghalais et Tamouls déchirent périodiquement le pays, jusqu’à menacer l'existence même de l'État. Si le nouvel État indépendant avait eu la présence d'esprit de proclamer le cinghalais et le tamoul comme les deux langues officielles du pays, il est probable que le Sri Lanka aurait pu éviter cette longue guerre. Par ailleurs, la suppression de l'anglais dans l'appareil de l'État fut plus difficile que prévu, notamment dans les transactions commerciales, l'enseignement supérieur, la technologie, la science, etc. L'anglais avait continué de servir comme valeur sociale, culturelle et économique, malgré la valorisation du cinghalais. 

 

Le conflit entre Cinghalais et Tamouls pris une nouvelle tournure à la fin des années 70, quand le principal parti politique de la communauté Tamoule, le Front Uni de Liération des Tamouls, demanda la création d'un état indépendant dans la province du nord et la province de l'eest. En même temps, les Tamouls décrétèrent l'unilinguisme tamoul dans les deux provinces. Mais la constitution de 1972, qui détachait définitivement l'ile de Ceylan du Royaume-Uni, et la naissance de la République Socialiste Démocratique du SriLanka ne modifièrent pas les rapports de force entre Tamouls et Cinghalais. D'une part, cette constitution faisait de l'état Sri Lankais le protecteur du Bouddhisme, ce qui irritait les Tamouls, de religion hindouiste.

 

D'autre part, l’État maintenait les zones tamoules dans un sous-développement économique chronique et décida même d'y implanter des colons cinghalais dans les provinces traditionnellement tamoules. L'article 7 de la Constitution de 1972 déclarait que «la langue officielle du Sri Lanka est le cinghalais, comme le prévoit la Loi sur la langue officielle, no 33 de 1956.» Il s'agissait là d'un autre irritant pour les Tamouls, même si les article 8, 9, 10 et 11 autorisaient l'emploi du tamoul dans la législation et les tribunaux, notamment dans les provinces du Nord et de l'Est. Les dispositions de la Constitution témoignaient du peu de sensibilité de la part des Cinghalais à l'égard de la minorité tamoule. Les Tamouls et leurs représentants rejetèrent la Constitution de 1972 et exigèrent du gouvernement de la modifier et de reconnaître les droits constitutionnels de la nation tamoule, tout cela sans nécessairement mettre en péril l'unité du pays. Les Tamouls considéraient être dans une situation de colonialisme en privant leur nation de son territoire, de sa langue, de sa souveraineté, de sa vie économique, de ses emplois et de son éducation, afin de détruire les fondements de l'autonomie du peuple tamoul. Évidemment, le gouvernement ignora totalement les revendications du peuple tamoul, tout en promettant des améliorations importantes.

 

Mais les Tamouls refusèrent de se laisser endormir par les "promesses" des Cinghalais. En 1974, les activistes politiques tamouls continuèrent de proner la création, dans le nord du pays, d'un Etat séparé. L'Eelam tamoul devint le nom du pays rêvé par les tamouls, tandis que les Cinghalais furent appelés mlechchas (les "impurs"). Devant la montée incessante des revendications tamoules, la majorité conghalaise considéra comme un compromis la nouvelle constitution de 1978, qui abolissait nécessairement celle de 1972. L'article 18 de la constitution de 1978 déclarait que "la langue officielle du SriLanka est le Cinghalais"; que "le tamoul est aussi une langue officielle" et que "l'anglais et la langue véhiculaire". Cette disposition permettait d'accorder un rôle accru et officiel à la langue tamoule dans la province du Nord et la province de l'Est pour ce qui a trait à l'administration, la justice et l'éducation.


De leur côté, les Tamouls en vinrent à recourir à des mesures désespérées. Depuis 1985, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul commencèrent à utiliser une unité appelée le «Women's Front»: des fillettes y effectuaient des missions suicides et portaient des capsules de cyanure à leur cou qu'elles devaient croquer en cas de capture. De leur côté, les forces de sécurité cinghalaises en vinrent à massacrer à l’aveuglette les Tamouls, tandis que la torture devint une pratique courante. Comme si ce n’était pas assez, les Cinghalais adoptèrent en août 1983 une modification à la Constitution du Sri Lanka, laquelle rendit vacants les sièges des parlementaires élus du peuple tamoul. Décidément, les Cinghalais ne comprennent pas rapidement ce qu'il conviendrait de faire.


En 1987, après que les forces armées cinghalaises eurent mis fin à une offensive sur la ville de Jaffna (à l'extrême nord), les gouvernements de l'Inde et du Sri Lanka signèrent un accord (l'accord dit «indo-sri lankais») qui prévoyait une action politique et militaire concertée en vue de mettre un terme au conflit dans le Nord. Dans un premier temps, les sécessionnistes tamouls acceptèrent de ne pas affronter les troupes indiennes, en échange de promesses d'autonomie, mais revinrent sur leur position. Cet Accord indo-srilankais de 1987 reconnaissait quelques concessions aux Tamouls et précisait que le tamoul et l'anglais étaient aussi des langues officielles. De fait, la Constitution de 1987 amenait des changements notables dans le domaine des droits de la minorité tamoule. Le tamoul devint l’une des deux langues nationales du Sri Lanka (articles 19 et 22). Le cinghalais reste la langue officielle et administrative dans tout le pays, sous réserve que le tamoul est aussi utilisé comme langue administrative dans les provinces du Nord et de l’Est. Il y était également prévu de déléguer des pouvoirs administratifs à ces deux provinces. Celles-ci seraient temporairement unies pendant un an, après quoi les habitants de la province de l’Est pourraient, «à la discrétion du président», décider par référendum si elles souhaitent former une unité administrative séparée. Mais on ne nota dans les faits aucun changement significatif dans les droits des Tamouls.


L’année suivante, ce furent les citoyens cinghalais qui, à leur tour, protestèrent contre la présence des «troupes étrangères» sur leur territoire. Le président Premadasa, élu en 1989, fut assassiné en 1993, l'attentat étant attribué à un Tamoul. La guerre civile reprit, sauf pour un court cessez-le-feu de quatorze semaines conclu en 1995. Le 26 janvier 1998, le gouvernement interdit le LTTE après un attentat suicide à Kandy, lieu saint du bouddhisme. Le clergé bouddhiste est toujours demeuré sur ses positions: il resta hostile à toute revendication tamoule. En 1991, le LTTE s'est mis à dos son plus important allié, en envoyant une kamikaze tuer le premier ministre indien Rajiv Ghandi, en représailles contre une mission indienne de maintien de la paix, qui a mal tourné. En 1998, le gouvernement sri lankais imposa l'anglais comme matière obligatoire dans les écoles primaires. Il n'avait pas pensé que le système d'éducation ne disposait pas d'un nombre suffisant d'enseignants qualifiés. Le gouvernement allait s'en rendre compte en 2001 lorsque les premiers étudiants durent subir un examen d'anglais. Il fallut remettre en question les programmes.

 

          IV.3 Vers le fédéralisme

 

Le 3 août 2000, afin de mettre fin à la guerre, le gouvernement du Sri Lanka présenta au Parlement un projet de Constitution fédérale accordant une importante dévolution de pouvoirs aux Tamouls. Ce projet constitue sans doute, depuis le début de la rébellion en juillet 1983, le premier geste déterminant effectué par un gouvernement sri lankais (ou cinghalais) envers les Tamouls, qui se plaignent des nombreuses mesures de discrimination de la communauté cinghalaise à leur égard.

 

Toutefois, l’autonomie dont il est question n’est pas l'indépendance, car le gouvernement propose aux Tamouls une forme de fédéralisme, d'ailleurs «indissoluble». C’est pourquoi les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) ont rejeté cette révision constitutionnelle et ont réclamé à nouveau l’indépendance pure et simple. Pour sa part, le gouvernement cinghalais avait prévenu que, si les Tamouls rejetaient ces propositions, la guerre allait continuer. Elle s'est poursuivie!

 

          IV.4 Un echec prévisible

 

Selon les statistiques officielles du gouvernement sri lankais, quelques 20 000 rebelles tamouls auraient été tués en quinze ans de conflit (depuis 1985) entre la guérilla des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) et les troupes gouvernementales; pour leur part, les rebelles ont fait état de 16 000 morts. Depuis 1995, plus d’un demi-million de Tamouls de Jaffna (ville du Nord) sont sur les routes de l’exode: habitations détruites à 80 % dans la ville même de Jaffna, pénuries de vivres, d’électricité et de médicaments, massacres, viols, enlèvements, torture, destructions, etc. Certains parlent de «génocide» et d’«épuration ethnique» menés par les forces cinghalaises à l’encontre du peuple tamoul. La région demeura complètement fermée au reste du monde. En décembre 2000, la présidente du Sri Lanka (Mme Chandrika Kumaratunga) déclarait dans une entrevue accordée en français à la presse occidentale: «Je n’arrive toujours pas à comprendre comment une société civilisée comme la nôtre a pu devenir si animale, si bestiale.» C'est justement ce qualificatif qui revient souvent dans le bouche des Tamouls: les Cinghalais seraient pires que des «animaux».


Pourtant, la situation n’est pas si difficile à comprendre. Le colonialisme luso-hollando-britannique a implanté l’antagonisme religieux et ethnique dans l’île. Au lendemain de l’indépendance, les Cinghalais ont voulu reprendre ce qu'ils estimaient comme le «terrain perdu» et ont réduit considérablement les droits des Tamouls en instaurant la «dictature de la majorité». Or, ce n’était certainement pas de cette façon qu’ils espéraient favoriser la paix dans le pays. Les Tamouls se sont radicalisés, le clergé bouddhiste également qui représente la «religion d'État». Les conflits ethniques ont dégénéré en guerre civile, une guerre enlisée et sans issue, parce que les deux camps sont fortement armés. Le gouvernement maintient indéfiniment un régime d'urgence et applique une série de lois anti-démocratiques qui servent à imposer essentiellement la loi martiale dans le Nord et dans l’Est, à emprisonner sans procès des centaines de Tamouls et à intimider les médias et leurs adversaires politiques. Parce que le pays est «sous un régime de guerre», le gouvernement cinghalais est justifié d’imposer des lois interdisant les grèves, les réunions publiques et les protestations, et en imposant une censure dans tous les médias. Plusieurs journaux ont été fermés pendant que l’État engloutissait 40 % de ses revenus dans l’«effort de guerre». Le militarisme et le chauvinisme cinghalais coûtent cher!


En somme, au lendemain de l’indépendance, les Cinghalais ont fonctionné en terme d’«État-nation», alors que la structure sociale du pays était manifestement binationale. L’échec était d’autant plus prévisible que cette politique d’uniformisation se réalisait sur une base autocratique. Dès lors, le recours à la violence était inévitable. De plus, loin d’enrayer les mouvements d’émancipation tamoule, la mobilisation cinghalaise ne réussit qu’à les renforcer et les confirmer dans leur volonté de rupture avec cet État-nation dont les Tamouls étaient exclus. Ce processus s'apparente à d'autres cas semblables dans le monde tels que le Soudan, Israël, le Kosovo de Slobodan Milosevic, l'Indonésie, l'Irak, etc.

 

         IV.5 Des actes manqués

 

Fait troublant: lorsque le tsunami du 26 décembre 2004 a déferlé sur le Sri Lanka en faisant plus de 30 000 morts, les autorités cinghalaises se sont laissé traîner les pieds avant de secourir le Nord tamoul. Les Tigres pour la libération de l'Eelam tamoul ont reproché au gouvernement sri lankais d'avoir tardé à envoyer de l'aide dans les zones sinistrées tamoules. Évidemment, Colombo a affirmé qu'il n'y avait aucune discrimination dans la distribution de l'aide, entre le Nord tamoul et le Sud cinghalais. Les Tigres de libération ont aussi accusé le gouvernement de ne pas laisser passer les dons privés envoyés vers ces régions, car l'armée sri lankaise avait envahi tous les centres de charité et exigé que les approvisionnements d'urgence lui soient remis et non pas directement à la population. Le ministère de la Défense a repoussé ces accusations, affirmant que ses services cherchaient simplement à assurer une distribution équitable de l'aide. La situation réelle dans les territoires du Nord est demeurée difficile à vérifier parce que le gouvernement sri lankais a restreint l'accès aux régions tamoules. La présidente du Sri Lanka serait personnellement intervenue pour empêcher le secrétaire général de l'ONU de se rendre dans le Nord-Est afin d'éviter que les Tigres n'exploitent cette visite à des fins politiques. On pouvait espérer que, en raison des tsunamis, la communauté internationale allait s'intéresser davantage au Sri Lanka, ce qui aurait contribué à résoudre le conflit entre Tamouls et Cinghalais.


Finalement, après vingt-cinq ans de guerre civile, la mort du chef rebelle Velupillai Prabhakaran en mai 2009 a scellé la défaite de l'armée des Tigres de libration de l'Eelam tamoul (KTTE). L'armée régulière sri lankaise contrôle désormais tout le nord du pays. Les pays de l'Union européenne ont demandé une enquête sur d'éventuels crimes de guerre commis à l'encontre des populations civiles. Si les Tamouls sont militairement battus, ils ne sont pas pour autant devenus pro-cinghalais. Le long conflit qui vient de se terminer aura fait près de 100 000 morts, dont 7000 seulement entre janvier et mai 2009. Il y a maintenant un long travail de reconstruction à faire. Et l'opération commence mal: le gouvernement sri lankais, afin de traquer les derniers membres des Tigres, a bouclé les camps de réfugiés tamouls, où s'entassent dans des conditions déplorables quelque 290 00 personnes, des déplacés de guerre. Dans les faits, ce sont des détenus sans avoir subi un procès, ce qui constitue une violation par le Sri Lanka du droit international. Leur crime, c'est d'être suspectés d'avoir été «contaminés» par la propagande des Tigres; ils sont donc perçus par le gouvernement comme des terroristes potentiels. Des immigrants sri lankais des États-Unis ou du Canada ont réussi à faire sortir des membres de leur famille de ces camps en donnant des pots-de-vin de 2000 $ US à 5000 $ US aux gardes armés. De plus, ces gardes armés vendent la nourriture fournie par les pays occidentaux. Au Sri Lanka, il existe des partis politiques ultranationalistes et hostiles à toute concession aux Tamouls, le Parti national-marxiste (JVP) et le Parti des moines bouddhistes (JHU). Dans ces conditions, il n'y aurait de paix possible que par la liquidation complète de la population tamoule. 

 

Article récupéré sur Wikipédia en grande partie.